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Photo du rédacteurLong Nguyen

La différence fondamentale entre la Boxe et l’UFC

« As-tu regardé le match de Floyd Mayweather? »
« As-tu regardé le combat de l’UFC ? »
La divergence entre ces deux phrases démontre la différence fondamentale entre les deux sports de combat les plus populaires aujourd’hui. (Si on ignore évidemment le fait que la boxe professionnelle implique un affrontement pugilistique qui se limite aux échanges de coups de poings, tandis que les arts martiaux mixtes impliquent un combat libre qui mélange coups et lutte.)
 Floyd Mayweather et Conor McGregor s’affrontent dans le fameux match de boxe interdisciplinaire de 2017.
Photo: Mark J. Rebilas / USA Today Sports

Dans l’œil du grand public, le sport de la boxe est défini par ses boxeurs; on demande à son ami si celui-ci a regardé le match de Floyd Mayweather, de Manny Pacquiao, ou même de Jake Paul.

Inversement, le sport des arts martiaux mixtes (communément référé par son acronyme anglais, MMA) est défini par une seule organisation : l’Ultimate Fighting Championship (ou UFC). On demande à son ami si celui-ci a regardé l’évènement de UFC. Pour le grand public, les termes UFC et MMA sont interchangeables, le premier terme étant largement plus reconnu que le deuxième. Le non-adepte des sports martiaux ne reconnaîtra pas MMA, mais reconnaîtra UFC comme étant synonyme de violents combats qui se déroulent dans une cage.

Une seule ligue exerce une domination incontestée sur la discipline des arts martiaux mixtes et dicte l’image qu’elle va voir dans les médias. Cette réalité est reflétée dans l’intitulation des évènements. En boxe, on va parler de Floyd Mayweather Jr. vs. Manny Pacquiao: Fight of the Century ou de Gervonta Davis vs. Ryan Garcia: It Doesn't Get Any Better Than This. Pour l’UFC, on va plutôt parler de UFC 291 ou de UFC 292. Une promotion de boxe (l’organisateur de l’évènements) va toujours promouvoir ses boxeurs en premier, et c’est pourquoi le fan occasionnel va rarement connaître le nom de celle-ci. C’est le cas opposé pour l’UFC : la promotion se promeut elle-même et il n’est pas rare qu’on connaisse le nom de l’organisation avant ceux de ses combattants.

Certes, quelques athlètes de l’UFC vont se démarquer et intégrer le courant dominant de la culture populaire, comme les Conor McGregor ou les Georges Saint-Pierre. Cependant, la norme demeure que la promotion va tourner autour du boxeur, tandis que le combattant mixte va tourner autour de la promotion. Les relations hiérarchiques entre athlètes et organisations sont situées à deux extrêmes opposés, pour deux disciplines qui sont ostensiblement (et martialement) similaires.


Pourquoi est-ce comme ça?

On peut simplement attribuer cette différence au fait que l’UFC était un pionnier dans le domaine des arts martiaux mixtes, en organisant l’un des premiers évènements officiels dans les années 90. Il n’y a pas de telle entité exerçant une domination similaire sur la boxe, un sport qui vie officiellement depuis plus d’un siècle. Néanmoins, la raison pourquoi cette divergence persiste relève d’une différence structurelle.

La boxe est régie par le Muhammad Ali Boxing Reform Act, une loi décrétée par le gouvernement américain en 2000. Dans le but de protéger les boxeurs et leurs intérêts, celle-ci interdit l’existence d’une ligue ou d’une organisation qui va gérer l’entièreté du sport. De cette interdiction découle les structures internes du monde de la boxe professionnelle. Le classement des boxeurs est déterminé par des fédérations sportives internationales, comme le World Boxing Council (WBC). C’est le WBC qui va attribuer le titre de champion mondial à un boxeur (et celui-ci va porter la ceinture donnée par la fédération, représentant son exploit). Cette procédure de classement est entièrement indépendante de celle de l’organisation des évènements. Ce sont des promoteurs, comme Showtime Boxing ou Eye of the Tiger Management, qui s’occupent du qui, quand, quoi, comment d’un gala de boxe. C’est la fédération qui s’occupe de l’aspect boxe de la boxe professionnelle, mais c’est le promoteur qui s’occupe de l’aspect professionnel du sport.

Il n’est pas surprenant qu’il n’existe pas un équivalent législatif pour les arts martiaux mixtes, un sport officiellement âgé d’une trentaine d’années. Il en résulte alors le double-rôle de l’UFC, qui va classer les combattants et nommer les champions, tout en organisant les évènements par le biais d’ententes de télédiffusion avec les grandes chaînes de télévision comme ESPN ou RDS. L’organisation va contrôler toutes les structures sous-jacentes du monde des combats en cage, et on peut attribuer la dominance de l’UFC à cela.


L’enjeu du pouvoir de négociation des combattants
Image de 2022 comparant les salaires respectifs pour les combats de Kamaru Usman et de Canelo Alvarez, champions de l’UFC et de boxe, respectivement.
Photo: MMA Uncensored

L’enjeu sur le pouvoir des négociations salariales des athlètes va découler de l’hégémonie virtuellement incontestée de l’UFC sur les arts martiaux mixtes. Un boxeur insatisfait de son contrat avec son promoteur peut généralement décider de négocier une entente avec un autre promoteur, avec des salaires compétitifs. Cette option n’est pas disponible pour les combattants de l’UFC, car la suprématie de la promotion tue effectivement la compétition. Les athlètes ne vont pas avoir accès à des salaires compétitifs, car ceux-ci n’existent pas. Il en résulte alors le sous-paiement des combattants de l’organisation. En effet, des estimations indiquent que les combattants auraient seulement reçu environ 14% des revenus totaux de l’UFC en 2022. Comparativement, les athlètes de la National Basketball Association ou de la National Football League reçoivent 48.5% et 49% du revenu total annuel, respectivement. Les pratiques anti-compétitives de l’UFC lui permettent de dicter les règles sur l’offre et la demande sur presque l’entièreté du marché des arts martiaux mixtes. Les combattants en souffrent conséquemment.

Ce statu quo persiste dû aux pratiques antisyndicales de l’UFC, que ce soit dans la pression agressive et punitive exercée dans la négociation des contrats, ou même dans le lobbyisme exercé dans la scène politique américaine. Il existe une certaine culture organisationnelle dans la promotion qui maintient un système qui favorise systématiquement l’employeur. Cela est souvent reflété dans les propos dénigrants du président de l’UFC, Dana White, faits à l’égard des athlètes qui soulignent le fait qu’ils ne reçoivent pas ce qu’ils amènent à l’organisation.

Néanmoins, le pouvoir de négociation est un enjeu récurrent qui a été soulevé plusieurs fois durant les dernières années, sous divers angles. La ligue fait présentement l’objet d’une action collective devant la cour fédérale du district du Nevada. Celle-ci dure depuis 2014 et est menée par des anciens combattants. Jake Paul, l’influenceur devenu boxeur professionnel, a fameusement promulgué la cause des combattants de l’UFC en 2022. Certains ont douté de sa bonne foi, assumant qu’il était motivé par son conflit personnel avec le président Dana White, mais ses efforts ont été approuvés par des athlètes comme Georges Saint-Pierre et Francis Ngannou. Ce dernier, ancien champion des poids-lourds de l’UFC, a quitté la promotion en début de 2023 alors qu’il était le champion en titre actuel. Mécontent des conditions de travail des combattants de l’UFC qu’il jugeait injuste, il a décidé de joindre la Professional Fighters League plus tard dans l’année, une ligue relativement jeune. Dans son nouveau contrat, il est stipulé que son adversaire doit minimalement se faire payer 2 millions de dollars pour leur futur combat, alors que le salaire minimal de l’UFC est environ de 12 000$. Il reste à voir si l’UFC perdra sa domination à la lumière de ces nouveaux développements, ou si elle conserva son rôle de leader au sein du monde des arts martiaux mixtes.

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